Gaëlle JOSSE "Les heures silencieuses"
"A l'heure où mes jours se ternissent comme un miroir perd son tain, le besoin de m'alléger de ce qui m'encombre devient plus fort que tout. Je garde l'espoir, naïf peut-être, qu'un tel aveu sera comme l'amputation d'un membre inguérissable qui, pour douloureuse qu'elle soit, permet de sauver le reste du corps." Tout paraît à sa juste place dans la vie de Magdalena, épouse de Pieter Van Beyeren, administrateur de la Compagnie des Indes orientales à Delft. Rigoureuse, maîtresse d'elle-même, elle aurait pu succéder à son père. Mais le commerce est réservé aux hommes. Sa place est au foyer. Magdalena doit se limiter à cet espace intérieur, où elle a souhaité se faire représenter à son épinette, de dos. Un décor à secrets, que son journal intime dévoile. Déceptions, souvenirs, drames familiaux, mais aussi joies, et désirs interdits... Dans le silence de l'heure, derrière le précaire rempart de l'ordre et de la mesure, Magdalena transcrit les vacillements de son coeur, explorant les replis les plus secrets de l'âme.
Une belle lecture. J'ai beaucoup aimé le côté journal intime du roman, les sentiments qui y sont rendus. Ce qui m'a attirée au départ, ça a été le tableau sur la couverture du livre : "Interior with a Woman at the Virginal" d'Emmanuel De Witte. Je suis mordue des tableaux des maîtres flamands, c'est un petit plaisir à chaque fois de découvrir ce qui y est caché, ça en devient presque un jeu ! Ici, plusieurs niveaux de lecture, il en est de même dans le roman. L'originalité de la chose est que l'auteur part de ce tableau pour en imaginer des scènes de la vie quotidienne, elle brode tout une histoire autour du personnage central du table, la femme de dos au premier plan, et on s'y croirait ! J'adore ce genre de roman "historique", qui passe d'une image à une histoire, d'un ressenti à des émotions concrètes. On voyage dans le temps, on redécouvre d'anciens moeurs, d'autres styles de vie. L'histoire que ce tableau nous raconte, celle d'une femme, mère de famille, m'a touchée par moments, sa tristesses, ses moments de joies, de bonheur, d'espérance ... et de désespoir aussi. On la suit dans son quotidien sur quelques jours, une plongée dans l'intimité vertigineuse qui ne laisse pas le lecteur indifférent. C'est un style d'écriture simple, épuré, qui parle d'évènement du quotidien, ce n'est pas donc l'action qui va étouffer le lecteur, c'est calme, tranquille, rien que de très banal. Mais c'est justement le côté "vie de tous les jours" qui a son attrait dans le roman. On rit avec la narratrice quand elle parcoure les bateaux de son père en courant, on pleure avec elle quand son époux lui annonce qu'il ne la touchera plus par peur de la perdre en couches ... Tout est porté sur l'émotion avec mesure, avec dignité, on sent qu'il est difficile pour la narratrice de nous faire pénétrer dans sa vie quotidienne et pourtant, elle le fait de belle manière, cela peut peut-être cependant paraître rigide voir froid par moments, c'est dommage ... C'est une lecture qui me laisse une impression en demi-teinte, un beau roman certes, mais sans véritable étincelle. En tout cas, c'est une oeuvre à découvrir, je ne connaissais pas du tout cette auteure mais son style m'a plu, j'y reviendrai sans doute.
Nombre de pages : 134
Temps de lecture : 40 minutes
Prix : 13.00