J. Heska "Pourquoi les gentils ne se feront plus avoir"
Quatrième de couverture
Je m'appelle Jérôme et je ne suis pas quelqu'un de populaire. Invisible pour mon entourage, insipide pour mes collègues, insignifiant pour ma petite amie. Un jour, je suis tombé sur un article dans un magazine bon marché censé m'aider à régler un certain nombre de problèmes dans ma vie. Ça m'a amené un peu plus loin que prévu ... Ah oui, le "un peu plus loin", c'est devenir le chef de file involontaire d'un mouvement philosophique qui a révolutionné le monde.
A mon avis ****
Guide de survie à l’usage des bisounours.
Voilà un roman qui, si vous le lisez, va vous changer la vie ! Vous ne me croyez pas ? Alors, lisez attentivement ce qui suit. Un petit avertissement tout de même, ce livre est destiné aux gentils, méchantes personnes, vous êtes priées de vous abstenir de lire ma chronique, merci d’avance !
Ce roman c’est un concept …
Unique en son genre, celui d’un gentil, qui va décider de partir en croisade contre les méchants … et qui va réussir ! (pas de spoiler ici, c’est indiqué dès le début du roman ^^). Déjà là, j’avais des doutes, ça se saurait si les gentils arrivaient à remettre les méchants dans le droit chemin (même si on peut toujours rêver, pas vrai ? Me considérant moi-même comme une gentille j’aimerais bien parfois faire la leçon à certains méchants qui pourrissent mon quotidien ^^), c’est là que je me suis dit que ce roman était totalement décalé et original. Qui oserait pondre un bouquin qui prône la gentillesse pour tous ? J. Heska l’a fait ! Et ça, c’est innovant, ça, c’est frais, ça, c’est autre chose que ce qu’on nous propose tous les jours et ça fait du bien !
Utopiste au possible (on veut nous faire croire que le monde des Bisounours peut exister ^^). Mais j’ai aimé me plonger dans cette utopie parce que la philosophie mise en place par notre héros maladroit et qui consiste à rééduquer les antipathes m’a parue à la fois fascinante et viable. Cela dit, je l’avoue, elle m’a fait penser par moments à un mouvement de déshumanisation massif un peu trop connu … (sans le citer !). Quelque part, ça m’a dérangée. Alors que cette philosophie doit se concentrer sur le bon en soi, sur l’humain, je l’ai trouvée très robotisée au bout d’un moment, c’est devenue une machine sans émotions, ça m’a fait peur.
Dangereux … Quand on se lance dans l’inconnu, on a toujours peur, me direz-vous. Certes. Mais le côté sectaire de la chose m’a clairement fait basculer sur un mode « panique » si je puis dire. Entretenant des relents de paranoïa durant ma lecture. Encore sur la fin avec ce retournement de situation, ou plutôt cette levée des masques, à laquelle je ne m’attendais pas et qui m’a pétrifiée … (même si j’adore les surprises de ce genre dans un roman ^^). Le flicage systématique et cette idée de Big Brother qui contrôle toutes nos actions en permanence et nous dicte la « bonne attitude » à avoir devient vite étouffante, suffocante, on a qu’une envie : sortir de là !!!
Ce roman c’est une ambiance …
Réaliste au possible, impossible pour le lecteur de ne pas s’identifier au personnage principal, paumé, malaimé, au meilleur ami geek, qui veut juste se faire oublier … au début. On sent toute sa frustration, sa colère, d’être si invisible, si insignifiant aux yeux de tous. Comme chacun d’entre nous, il veut seulement exister. Le réalisme est sans doute la grande force de ce roman, parce qu’il vous plonge dans votre propre quotidien tout en vous donnant une porte de sortie. On vous propose une alternative, quelque chose d’autre, mais de probable. Ce n’est pas un rêve inimaginable, on vous donne les clés pour l’atteindre, à coups de schéma pyramidal (^^). C’est ce qui fait la différence.
Fantastique aussi, et c’est cette dose de futurisme qui m’a plu. On se retrouve projeté dans l’avenir, par bribes, entre les moments du présent qui nous sont contés. J’ai aimé relire ces notes, ces témoignages, entr’apercevoir ce monde qui n’est pas encore né et qui découle de la génèse qui vit ses premiers jours sous nos yeux. Je crois que j’aurais aimé être encore plus immergée dans cette dystopie. On nous fait miroiter quelque chose de clairement fascinant, presque un univers parallèle, mais le lecteur doit se contenter de miettes sans jamais pouvoir l’approcher … je suis restée sur ma faim à ce niveau-là.
Ascendante … je m’explique. J’ai eu le sentiment d’une montée en puissance de l’action, en parallèle de l’approfondissement de la réflexion de Jérôme, au fur et à mesure que l’on avançait dans le roman. Le tout allant crescendo, le lecteur ne s’ennuie pas et suit les développements du roman avec grand intérêt.
Ce roman c’est une galerie de personnages …
Banale, mais c’est voulu, c’est logique même. On a besoin de se reconnaître en eux, de se dire, lui (ou elle) c’est moi. Là, j’aurais réagi pareil. Oui, moi aussi je veux sortir de l’image qu’on les autres de moi et la transcender pour être … tout simplement. Donc, oui, vous n’allez pas vous sentir transporter par le caractère héroïque de ces messieurs et mesdames tout le monde, c’est certain. Cela dit, ils ont beaucoup, chacun à leur manière, à vous apprendre. Sorte de miroir sociétal, ils dévoilent nos propres peurs, doutes, nos propres défauts, nos imperfections, celles que l’on tente par tous les moyens de cacher au reste du monde. C’est peut-être en cela aussi que ce roman est percutant, parce qu’il parle de vous et moi.
Attachante. On s’attache, fatalement, à ces personnages. Surtout à notre narrateur principal, je dirais. Au début, j’ai eu beaucoup de compassion pour lui, j’ai, je l’avoue, cru en son potentiel, en son idée. Son exaltation a été contagieuse. Et puis, très vite, j’ai retourné ma veste … quand il a commencé à en faire autant. Je me suis lassée de ce personnage. Pourtant, là aussi, c’est tout à fait réaliste comme comportement et au combien compréhensible, après tout, il n’est qu’humain … Mais, ça m’a complètement détachée de Jérôme. Et j’ai juste envie que les passages où il se racontait soient moins nombreux.
Etrange, ou devrais-je dire énigmatique. Il y a certains comportements que je n’ai pas compris, d’autres qui m’ont frustrée, d’autres encore qui m’ont paru totalement incohérents. J’ai eu l’impression par moments qu’on me prenait pour une idiote. En gros, j’ai eu beaucoup de mal à vraiment m’imprégner de la plupart des personnages, il faut dire que le seul qui soit vraiment développé, c’est Jérôme, pour les autres, ce ne sont vraiment que des esquisses. Ce point de vue unidimensionnel m’a rendue la lecture difficile, je pense que c’est lié au fait que j’ai eu quelques difficultés avec lui passé un certain stade … on en revient toujours au même point ! Et puis, quand l’amour s’en mêle … pfff !
Ce roman c’est un style …
Percutant ! Je n’ai pas honte de dire, que, malgré les petits défauts cités ci-dessus, j’ai dévoré ce roman ! Le style est envolé, plein d’humour, il fait mouche. Je me suis surprise à râler à plusieurs reprises parce que je n’avais pas assez de papier vierge à côté de moi pour prendre des notes. J’ai été fascinée par la qualité de la plume de l’auteur qui m’a prise dans ses filets dès les premiers mots. J’ai un petit faible d’ailleurs pour les citations en début de chapitre et pour beaucoup d’autres choses de cet ordre dans le texte. C’est pesé, réfléchit, ça nous parle !
Vivant. On ne s’ennuie pas à la lecture, comme si tout coulait de source. Et on lit ce bouquin à une vitesse affolante. Il faut dire que l’auteur a l’art de nous entraîner dans son récit avec passion, même si celle-ci m’a parue décroître vers la fin … Une fin que d’ailleurs j’ai trouvé trop facile, comme si l’auteur avait voulu vite finir son roman. Je ne l’ai pas trouvée à la hauteur de ce que j’avais lu avant. En même temps, elle est logique. La création qui « dépasse » le maître … ça ne vous rappelle rien ? Frankenstein, sort de ce bouquin !
Ironique … et cynique aussi peut-être. J’ai aimé les pointes d’humour autant que les envolées philosophiques et les réflexions de l’auteur sur l’humain en général, sur notre condition, sur ce dont l’on est capable. C’est un tout. Mais ce bouquin m’a fait me remettre en question, m’interroger, j’aime quand on me pousse dans mes retranchements comme ça, qu’on me pousse à aller au-delà. Avec ce livre, clairement, j’ai franchi un cap, ma vision du monde en a pris un coup. Je suis une bisounours mais je me suis rendue compte que, moi aussi, j’avais ma petite part de méchanceté qui ne demandait qu’à être éradiquée. Et la grande question qui découle de tout ça est …
Est-ce que le Bien peut survivre sans le Mal ?
Bon, j’extrapole sans doute un peu, hein, mais c’est là que ce roman m’a conduit.
Un monde en mode bisounours … finalement, je pense que ça me ferait flipper. Quand tout le monde se fond dans le même moule, quand on ne cherche qu’à s’intégrer au groupe, est-ce qu’on ne se perd pas en route ? Mais surtout, que fait-on alors de ces principes, essentiels, que sont l’individualité et le libre arbitre ?
Bref, ce bouquin n’a pas fini de me prendre la tête (^^) mais dans le bon sens du terme.
Ce roman c’est …
Un germe, une graine, que l’auteur plante dans notre cerveau de lecteur et auquel il laisse le soin de pousser, de se développer. C’est le commencement … de quoi, à vous de voir !
Passeport lecture
Nombre de pages : 186
Temps de lecture : 2h15
Prix : 10.23 €