Pierre THIRY "Isidore Tiperanole et les trois lapins de Montceau-les-Mines"
A cette époque, Montceau-les-Mines était bien différent d'aujourd'hui. - Oui, on sait déjà tout ça !!! répondrez-vous. C'était la campagne, il n'y avait personne à part quelques lapins, il ne se passait rien du tout... Ce n'est pas si simple, il se passait même bien des choses. Il y avait Arthur, Theobald et Justin, il y avait aussi la belle Ermelinde, il y avait encore... Isidore, il y avait enfin... Mais je ne vais pas vous raconter toute l'histoire maintenant, il faut aussi lire Isidore Tiperanole et les trois lapins de Montceau-les-Mines et vous apprendrez des choses qui vous étonnerons peut-être.



J'avais hâte de découvrir ce petit livre dont j'avais beaucoup entendu et j'avoue qu'une fois qu'il a été entre mes mains, je l'ai dévoré. Il faut que c'est
un conte pour enfants, donc court et rapidement lu. Ce qui n'enlève rien à la poésie et à la magie qui l'habite. Il m'a permis pendant quelques minutes de retomber en enfance et de m'imaginer un
autre monde, un autre temps. Quoi de mieux que de s'émerveiller à nouveau quand on est grand ?
Et ce petit conte y arrive très bien. Dans un premier temps, j'ai beaucoup aimé le fait que l'auteur reprenne une ville existante pour la transposer dans une
autre temporalité, la parant de pierres précieuses et d'animaux. On se retrouve transporté dans une ville au bord de l'eau qui scintille de milles feux et dont les habitants sont des lapins et
des hermines. Un vrai petit plaisir pour moi que de voir apparaître ici mon animal fétiche. Ca m'a permis aussi d'entrer plus facilement dans l'histoire, quand on aime les lapins, les voir vivre
sous ses yeux apporte une petite touche de fantaisie supplémentaire à la lecture. Au début du conte, l'auteur prend le temps de bien expliquer l'environnement dans lequel va se dérouler
l'histoire, qui d'ailleurs, ne commence réellement tout de suite. Cette petite mise en place permet d'entrevoir un bout de la légende créée par l'auteur, de comprendre comment fonctionne cette
ville, en quoi elle est exceptionnelle et différentes des autres. On nous explique aussi sa richesse, sa grandeur, sa fierté. On découvre aussi qu'autrefois les animaux faisaient tout ce que les
hommes font aujourd'hui, de quoi les rapprocher un peu plus de l'enfant-lecteur qui saura y reconnaître le parallèle. Quoique j'ai trouvé cette présentation intéressante et nécessaire, elle m'a
paru receler quelques mots plutôt difficiles, mais j'y reviendrai.
Ce que ce conte apporte surtout, c'est de la fantaisie ! Le lecteur plonge dans une histoire farfelue, celle de trois frères lapins qui souhaitent conquérir
le cœur de la princesse de Montceau-les-Mines, Ermelinde. Au début ça m'a fait penser un peu aux trois petits cochons et à leurs trois différentes méthodes pour résister au loup. Et au final,
c'est à peu près ça, sauf qu'ici on parle séduction. Mais au bout du compte, il ne peut toujours y en avoir qu'un. Et le loup est remplacé par un garde mi-crocodile, mi-gorille. Les éléments
centraux du conte traditionnel sont donc identiques, mais l'auteur les rend originaux à sa manière. Ces trois lapins qui se battent pour le cœur de la princesse ont chacun une spécialité, l'un
est gendarme, l'autre marchand de glaces et le dernier poète, et leur profession reflète leur personnalité dans la cour qu'ils font à Ermelinde. Étonnement, tous trois essaient, au début du
moins, de conquérir la princesse de la même façon, en lui composant des poèmes. J'avoue que cette partie-là du texte n'est pas ma préférée, même si j'avoue que le tout dernier poème m'a fait
sourire. Pour le reste, je n'ai pas été embarquée dans les poèmes tels quels. Par contre, la poésie du texte en lui-même m'a accrochée lors de la lecture. C'est enchanteur. Cette courte histoire
de trois lapins amoureux d'une princesse, quoique classique sur ses bases, est écrite d'une bien belle manière, drôle, légère, attrayante, qui vous emporte dès les premiers mots. Mais il y a bien
plus que ça dans ce texte ...
J'ai beaucoup aimé notamment le personnage d'Isidore Tipéranole, même s'il n'apparaît pas tout de suite dans le texte, j'ai trouvé que finalement, c'était
lui qui avait le plus d'importance là-dedans. C'est le gardien du château dans lequel vit Ermelinde et il empêche consenscieusement quiconque essaie de s'approcher d'elle d'y entrer. Il a une
obsession, il veut tuer le temps à coups de troublon. Il passe sa vie à chasser le temps, à essayer de le repérer pour l'anéantir. Dans quel but ? Finalement, on ne le sait pas vraiment. Il
représente la morale du texte, à savoir qu'il faut prendre son temps, le savourer, profiter de l'instant présent, carpe diem comme dirait notre cher ami Horace. Au début, j'ai trouvé ce
personnage loufoque, un peu grotesque voir pathétique, je ne comprenais pas où l'auteur voulait en venir avec lui et puis, petit à petit, la lumière s'est faite et la morale représentée par le
personnage m'est apparue. J'ai beaucoup aimé le voir subir les assauts des trois frères lapins, de le voir déjouer leurs pièges, cela amène quelques situations teintées d'humour dans le texte. Au
final, tous ces petits personnages nous offre un conte d'une douceur et d'une magie indéniables. J'ai pris plaisir à découvrir cet univers étrange mais merveilleux, habité par des animaux un peu
gourmands et aussi un peu décalés et je suis sûre qu'il vous plaira de le découvrir à votre tour. Il y a de la magie dans l'air ...
Ce que je pourrais reprocher à ce conte, ce sont les petites coquilles d'orthographe, de typographie que j'ai repéré ici et là, rien de bien méchant. Le
problème majeur que j'ai noté, c'est le vocabulaire. J'ai trouvé que, même si dans l'ensemble le conte est bien adapté à son public, il y a néanmoins plusieurs mots qui m'ont paru difficiles à
comprendre pour des enfants. C'est dommage parce que, de fait, ça m'a donné le sentiment que ce ne serait pas forcément aisé pour un enfant de lire ce conte seul et de le comprendre. A voir.
Ensuite, pour l'écriture en elle-même, je l'ai trouvé entraînante, on se perd avec plaisir dans l'histoire, on en ressort avec le sourire, on rit beaucoup, on s'émerveille, les descriptions nous
permettent de bien imaginer le décor et les personnages, c'est rythmé, ça se lit vite et on a pas envie de lâcher le livre une fois qu'on l'a commencé. Vraiment, c'est très bien écrit. La seule
tournure de phrase qui ne m'a pas "plu" c'est le jeu de mots avec "chocolat" sur les dernières pages, là, je ne suis pas fan, mais bon, c'est un point de vue personnel. Aussi, j'allais oublier de
parler des illustrations qui accompagnent le texte. Elles sont sympathiques, apportent de la couleur au récit, lui font bien écho, cependant, je trouve qu'elles sont un peu "brouillonnes" par
moment, c'est dommage. Et puis, j'aurai peut-être plus apprécié de les voir en pleine page face au texte, pour leur donner plus de force, plus d'impact, comme dans un album.
Pour conclure, je dirais que ce conte doux, drôle et imaginatif a tous les atouts pour plaire aux plus petits comme aux plus grands. J'ai apprécié visiter
cet univers décalé, un peu loufoque et parfois déjanté, faire la connaissance de ses habitants pas comme les autres et suivre leur histoire. Au final, je retiendrai un agréable moment de lecture
et un conte que je prendrai plaisir à relire.
Nombre de pages : 68
Temps de lecture : 20 minutes
Prix : 11.00 €