Mélanie ROSE "La mémoire d'une autre"
Une jeune femme amnésique est secourue par un père et sa petite fille. Retrouvera-t-elle la mémoire ? Quels secrets cache l'homme qui l'a sauvée
?
En pleine tempête de neige, une jeune femme est victime d'un accident et perd la mémoire. Incapable de se rappeler qui elle est ni d'où elle vient, elle est
recueillie par Vincent, qui vit avec sa fille Jade, six ans. Quand l'enfant lui annonce que sa grande soeur Ambre l'avait avertie de son arrivée, la jeune femme est troublée. Mais quel choc quand
elle apprend qu'Ambre est morte deux ans plus tôt, que leur mère les a quittés, et que, depuis, Jade est muette !
Et tandis que la tempête fait rage, l'inconnue va tout tenter pour retrouver son identité. En faisant remonter des souvenirs enfouis, elle va faire
d'étranges découvertes, sur elle, mais aussi sur Vincent et sa famille...



Voilà un roman dont la seule couverture vous donne envie de l'acheter pour le lire, vous ne trouvez pas ? Pour ma part, j'ai totalement craqué pour le visuel
et le titre énigmatique. Il ne m'en fallait pas plus pour vouloir me lancer dans cette aventure livresque qui collait parfaitement à la saison hivernale. Je ne connaissais pas l'auteur, je n'ai
pas lu la quatrième de couverture, mais je me suis lancée les yeux fermés dans ce roman.
"La mémoire d'une autre" surfe sur cette nouvelle vague de la littérature contemporaine qui se teinte d'une touche de fantastique pour vous emporter dans un
univers qui oscille entre réalité et fiction. J'aime beaucoup ce style et j'avoue que, de fait, il m'a été facile de me plonger dans ce roman. Dès le départ, on comprend vite que la situation est
pour le moins extraordinaire, puisqu'on se retrouve à suivre les pérégrinations d'une narratrice, appelons-là Jane Doe, qui atterrit comme par magie en pleine tempête de neige dans une petit
village de la campagne anglaise. Suite à un accident de voiture, elle s'étale dans la poudreuse et à son réveil se rend compte qu'elle a perdu la mémoire. J'ai adoré ce concept, il faut dire
qu'il est porteur. Que m'arriverait-il si je perdais la mémoire ? Arriverai-je à la retrouver un jour ? Qui suis-je ? Et surtout, ai-je vraiment envie de le savoir ? Ce genre de questions ne
cesse de défiler au fur et à mesure du roman, Jane se demande qui elle est et en même temps redoute le moment où elle l'apprendra. Cela peut paraître paradoxal mais finalement, c'est d'une
logique implacable. Après tout, tout recommencer de zéro c'est aussi avoir une seconde chance. Bref, le fait que notre Jane Doe soit amnésique la fait apparaître un peu comme une page blanche aux
autres personnages du livre qui tentent, chacun à leur manière, de lui apposer leur patte si je puis dire, de se l'approprier. C'est assez étrange comme comportement et j'ai trouvé ça totalement
décalé voire inconvenant. Je n'ai pas compris l'intérêt de cette sorte de possessivité qui se mettait en place, dans quel but d'ailleurs ? Mais, passons. Ce qui m'a le plus intriguée c'est
l'ambiance dans laquelle on débarque aux côtés de Jane. On se retrouve en pleine tempête de neige dans un village perdu au milieu de nulle part, plus d'électricité, les routes bloquées, c'est un
huis clos pour le moins suffocant que met sur place l'auteur. On se sent comme pris au piège, pas d'échappatoire à l'horizon, il ne nous reste qu'à affronter les évènements et les personnages qui
en sont la clé. C'est lourd, pesant, oppressant, j'avoue que plus d'une fois on a envie de partir en courant. Pourtant, Jane s'y sent bien au début dans ce cocon duveteux qui se créé autour
d'elle jusqu'à ce qu'elle commence à ouvrir les yeux mais, même là, l'idée de fuir ne lui vient pas à l'esprit. Je l'ai trouvé un peu indolent par moments. Elle se laisse porter par cette étrange
impression qui entoure la petite communauté qui s'est formée autour d'elle. Ce sentiment d'inquiétude, de doutes, qui ne quitte pas le lecteur de bout en bout de la lecteur est assez bien rendu
par l'auteur, on s'y laisse prendre, à se méfier de tout, à avoir peur, à tout remettre en question, on se laisse facilement prendre au jeu de cette ambiance irréelle. C'est d'ailleurs, je pense,
l'un des atouts du roman qui fait qu'on s'accroche jusqu'au bout.
La deuxième chose qui vous accroche ce sont les histoires de fantôme. En plus d'installer encore un peu plus ces sensations curieuses qui s'emparent du
récit, elles permettent d'ancrer également le récit parallèle que va vivre Jane Doe dans une sorte de continuité. On ressent très vite que tout est lié, pour une raison ou pour une autre
d'ailleurs et l'arrivée de Jane Doe prend l'allure d'un déclencheur qui va tout changer. Alors qu'elle essaie de retrouver la mémoire par le biais de séances d'hypnothérapie, Jane se met à se
souvenir de ce que l'on pense être une vie antérieure, celle d'une mystérieuse Kitty qui aurait vécu à l'époque victorienne. Fascinant ! J'avoue que là, j'ai été emballée par l'idée. Elle ne se
souvient pas d'elle mais elle absorbe la mémoire et les souvenirs d'une personne décédée qui n'a aucun lien avec elle et qui a mystérieusement disparue. Ces petits bouts de vie morcellaires qui
nous sont confiés via Jane sont vraiment intrigants et, pour une passionnée d'histoire comme moi, j'ai aimé pouvoir imaginer la vie dans l'Angleterre victorienne. En plus, on y ajoute une touche
de romance passionnée, avec le beau et mystérieux Garrett, que demander de plus ? Non, vraiment, cette histoire, celle de Kitty, est un attrait majeur du roman car, comme Jane, on se sent attiré
inexorablement vers ce récit empreint de mystère, on a envie d'en savoir plus, de la retrouver pour connaître un peu plus ce qu'était sa vie et surtout, comment elle s'est terminée. Ça nous
entraîne justement dans cette part fantastique du roman. On a du mal à y croire, à accepter que ce soit possible, pourtant, au fur et à mesure que l'on avance dans le texte et que l'on découvre
Kitty, on s'y attache, inexorablement et on attend avec impatience la suite de l'histoire. Ca ma fait penser un peu à ces journaux que l'on avait dans le temps où, tous les jours, un petit bout
du récit nous était contée et il fallait attendre patiemment le lendemain pour connaître la suite, ici, même effet, c'est avec avidité que l'on attend de savoir comment s'est déroulée l'histoire.
Ajoutez à ça des histoires d'esprits et de fantômes, d'objets qui disparaissent ou apparaissent mystérieusement, de scènes bizarres, et vous tomber en plein dans un roman d'épouvante. Oui, on
frissonne par instants avec ce roman, car il vous surprend, dans son côte sombre, triste, dangereux, en même temps, on sait que tout cela est illusoire, c'est là le grand art de l'auteur qui
arrive à nous faire croire le temps d'une lecture à l'impossible. J'ai aimé croire à Ambre, croire à Kitty, parce que c'était tellement sincère, tellement vrai, que j'avais
besoin d'y croire. Ces vies oubliées sont celles qui nous apprennent le plus au cours de cette lecture, elles ne sont pas à négliger, redonner le pouvoir de parler aux morts apporte une touche
supplémentaire au texte, entendre leurs voix se mêler à celles des vivants rend justement l'ensemble plus poignant. Une belle intitiative de l'auteur !
Le plus déroutant dans ce roman, je pense que ce sont ses personnages. D'abord, il y a cette famille étrange dans laquelle notre Jane Doe arrive. Un veuf
accro au travail qui élève seul sa fille, malade, avec l'aide d'une infirmière devenue nounou à temps plein. Je ne sais pas, ça m'a paru très caricatural, comme si le trait était exagéré. Vincent
en fait trop, partant toujours dans l'extrême niveau sentiment ou prenant tout simplement la fuite, l'auteur a également eu le trait lourd avec Tara, que je n'ai pas réussit à supporter une seule
seconde alors qu'elle sacrifie sa vie pour Jade et son père et que j'aurais du réussir à la respecter pour ça ... ces deux personnages m'ont laissée totalement froide. Par contre, la petite Jade,
intrigante, parlant avec sa sœur décédée comme si elle était une amie imaginaire et se conduisant parfois de manière plus adulte que les adultes eux-mêmes, tenant des discours réfléchis, m'a
surprise, je m'y suis vite attachée. Elle a tout de l'ange à laquelle l'auteur la compare. A cette famille type viennent se greffer deux autres personnages : Dempsey et Colin. Ce dernier, frère
de Tara est l'hypnothérapeute qui va aider notre Jane Doe a retrouvé la mémoire ... hum, j'avoue que le côté assombri de sa personnalité peut apporter le doute dans l'esprit du lecteur et attiser
sa curiosité, il y a là un mystère à découvrir, pour ma part, comme pour les autres, je suis passée à côté et je n'ai pas accroché avec le personnage. Dempsey, la mère de Vincent, même si, elle
aussi subit un trait lourd, a su m'atteindre à certains moments, par sa détresse, par son combat contre elle-même. Il y avait là je pense matière à être plus dans la finesse ... L'héroïne
elle-même m'a souvent agacée notamment par son côté mièvre notamment. Il faut arrêter de nous faire croire à une romance "magique" au bout de dix pages, ça n'est pas crédible du tout ! D'autant
que l'auteur essaie de brouiller les pistes en amenant plusieurs prétendants sur le tapis alors que, dès l'apparition de l'heureux élu, on sait que c'est lui. Ça tombe totalement à plat niveau
suspens et on patiente tranquillement pendant 300 pages pour découvrir qu'on avait raison depuis le début. Question mystère on repassera ... et puis bon, le côté "âme sœur" un peu trop exagéré
m'est resté en travers de la gorge, j'aurais voulu que ce soit plein d'émotions comme c'est le cas d'ailleurs, mais sans que ça verse dans la sensiblerie limite guimauve. On regretterait presque
cette partie du roman alors qu'elle lui apporte indéniablement un petit plus. D'ailleurs, j'ai beaucoup aimé le personnage d'Adam, simple, en retrait, pensif mais très observateur. Il m'a donné
envie de m'installer à la ferme ! Plus sérieusement, les seuls personnages qui ont vraiment réussi à me toucher sont Bill et Betty. Quel couple ! Ils sont si beaux tous les deux, ces deux
"ancêtres", cassés, usés, par la vie et pourtant toujours aussi amoureux, sont si attendrissants qu'on a qu'une envie, avoir les mêmes grands-parents. Ils m'ont émue aux larmes, l'auteur a su les
décrire avec une justesse incroyable, je regrette qu'elle n'ait pas su apporter cette touche de magie à ses autres personnages ...
Pour terminer, je vous parlerai du style de l'auteur. Que dire ? C'est un roman qui se lit vite car il est écrit simplement. Le récit se déroule sans
encombre, on s'y implique dès le départ, notamment parce qu'on est suspendu au mystère de la mémoire perdue par notre héroïne. L'action est maintenue par tout une suite de découvertes et de
révélations qui ouvrent et ferment de nouvelles pistes pour le lecteur, même si c'est souvent trop gros pour être vrai ou un peu trop facile, ça permet au texte en lui-même de ne pas s'endormir.
Il est vrai que c'est souvent le risque des huis clos psychologique, tout se passe dans la tête, c'est donc moins évident de s'approprier l'histoire et d'y trouver de l'intérêt. Ici, on y arrive
aussi je pense grâce au côté fantastique du texte. N'eût été la présence de Kitty et les hypothèses l'entourant, le récit aurait pu être ennuyeux. Les personnages pour la plupart sont un peu trop
exagérés, du coup, on ne s'y attache pas, ça créé une certaine distance qui ajoute à l'idée qu'on se retrouve plongé dans un rêve ... mais de seconde zone. C'est presque comme une mauvaise série
télé. Je trouve ça dommage que l'auteur n'ait pas su s'impliquer plus dans l'écriture, dans le sens où, je l'ai perçue survolée à de nombreux moments, ou trop excessive, j'aurais voulu plus de
nuances, plus de finesse, qu'on arrête le tout ou rien en permanence, c'est trop et trop vite. Peut-être un peu plus de lenteur, de précisions, dans les portraits auraient permis une
identification plus prégnante lors de ma lecture. A côté de ça, j'ai apprécié le fait que l'auteur arrive à mêler plusieurs histoires autour d'un thème central, toutes ses ramifications qui se
rapprochent au fur et à mesure de l'avancée du texte et qui dévoile tout un pan d'une histoire à la fois oubliée et à venir est assez intéressant. Je me suis malgré plongée dans ce roman avec
plaisir, le fait qu'on le lise sans encombre y est pour beaucoup. Maintenant, il manque pour moi de cette profondeur que l'on ressent par instants mais pas en permanence. Je pense que, si j'avais
senti tout du long ce sentiment d'exactitude, de force, que j'ai ressenti avec le passé de Kitty ou encore avec Jade, Adam, Bill et Betty, j'aurais eu un coup de cœur pour ce roman. En fait, je
suis dans l'entre deux. Un pan du roman m'a plu et m'a conquise, l'autre m'a laissée sur le bord de la route et je n'ai pas embarqué dans son voyage tortueux et pour moi, incertain. C'est un
livre qui nous emporte néanmoins car il nous offre une histoire originale, pleine de surprises. Je pense qu'il m'aura manqué un petit plus supplémentaire pour réellement accroché ... Disons que
le fond est là, que la forme l'est par moments, mais qu'elle mérite encore quelques améliorations.
Pour conclure, je dirai que ce roman est l'objet idéal pour une lecture agréable un soir d'hiver au coin du feu. Il mêle habilement mystère, histoires de
fantômes, romance, passé et présent, de façon qu'on se prend dans ses filets dès les premières pages. On a envie de connaître l'issue de cette histoire hors du commun. Je vous conseille cette
découverte, même si on est loin de la "grande littérature", son originalité ne vous décevra pas.
Nombre de pages : 350
Temps de lecture : 4h15
Prix : 21.00 €
Ce livre a été lu dans le cadre d'un partenariat avec le forum Amours & Tentations et les éditions l'Archipel que je remercie pour cette découverte !