Maxence FERMINE "Neige"
C'était une nuit de pleine lune, on y voyait comme en plein jour. Une armée de nuages aussi cotonneux que des flocons vint masquer le ciel. Ils étaient des milliers de guerriers blancs à prendre possession du ciel. C'était l'armée de la neige. Au Japon, à la fin de XIXe siècle, le jeune Yuko s'adonne à l'art difficile du haïku. Désireux de perfectionner son art, il traverse les Alpes japonaises pour rencontrer un maître. Les deux hommes vont alors nouer une relation étrange, où flotte l'image obsédante d'une femme disparue dans les neiges. Dans une langue concise et blanche, Maxence Fermine cisèle une histoire où la beauté et l'amour ont la fulgurance du haïku. On y trouve aussi le portrait d'un Japon raffiné où, entre violence et douceur, la tradition s'affronte aux forces de la vie.

A vrai dire, avec ce roman, je ne sais pas par où commencer ... Pour beaucoup il a été un coup de cœur, je l'ai vu qualifié de bijou, affublé d'une écriture
magnifique ... Bon, pour être honnête, soit je n'ai pas lu le même livre que les autres, soit je suis passée totalement à côté car, moi, je n'ai pas accroché du tout ! Je vais tenter de mettre le
doigt sur ce qui ne m'a pas permis de succomber à l'enchantement de la neige ...
D'abord, posons les bases. Je suis mordue de littérature asiatique et les ambiances japonisantes comme celle proposée par ce roman me plaisent beaucoup. Les
haïkus ? J'adore ! D'ailleurs, les en-têtes de chapitres reprenant les haïkus des maîtres du genre m'ont beaucoup plu : Issa et Bashô, deux incontournables ! Sans parler de Sôseki qui tient un
grand rôle dans le roman sur lequel je reviendrai plus loin. Trop peu nombreuses malgré tout, ces "citations", ont apporté une dose de magie éphémère et trop fragile pour que leurs sensations
m'accompagnent tout au long du roman. Pourtant, on sent la poésie que je sais propre à la culture japonaise poindre sous chaque phrase, chaque description, chaque parole, alors, pourquoi cet
absence totale de ressenti ? Je ne sais pas ... Notre narrateur exalté n'a pas su m'atteindre, il m'a même souvent déplu. J'ai eu beaucoup de mal à m'attacher à cette histoire que j'ai trouvée,
pour le coup, trop épurée. Même si je sais que c'est une caractéristique de l'écriture japonaise, que je n'ai aucun problème avec ça d'habitude, ici, ça m'a déroutée. Parce qu'il ne s'agit pas
seulement de faire simple pour coller à la thématique, il faut que cela ait du sens et fasse passer une message fort en émotions. Ici, comme avec la neige, le blanc, le vide, l'immaculé. Quand je
n'arrive pas à ressentir, je n'arrive pas à m'impliquer dans le texte, à l'apprécier. Comment se sentir proche d'un personnage quand on a l'impression qu'il sonne creux ? D'un sujet quand on a le
sentiment qu'il est vide de sens ? J'ai vu le message sous-jacent, je l'ai touché du doigt, mais il n'a pas su m'atteindre malgré la poésie éphémère de certaines phrases qui m'ont parlé ... C'est
comme si j'avais survolé ce livre, par-delà les montagnes, sans jamais arriver à atteindre cette neige qu'on me faisait miroiter comme étant si belle ...
La poésie est au cœur du texte. Ce jeune homme qui ne rêve que de l'hiver, que de cette neige pour qui il fond et qui lui fait écrire de merveilleux poèmes,
voilà le postulat de départ du roman, une idée somme toute originale, qui annonce un traitement "décalé" de la poésie, mais aussi une grande leçon. Yuko, au travers de la découverte de son art,
va amener le lecteur à appréhender ce qu'est la poésie, de la façon dont les japonais l'entendent. Cet art du haïku, parcimonieux, concis, épuré, qui semble si rigide, prend vie sous sa plume, se
colore, se libère de ses carcans et vit ... pourtant, cela nous échappe aussi. On parle sans cesse des haïkus magnifiques qu'il rédige mais où sont-ils ? On ne nous y donne pas accès ...
Pourtant, le but de la poésie, c'est de la partager, de faire ressentir à l'autre. La poésie, c'est avant tout l'art de la contemplation, la compréhension du temps et l'amour de la nature, c'est
apporter des couleurs dans un monde qui a besoin de lumière. Voilà ce qui va être enseigner à Yuko, sous l'égide de Sôseki, le grand poète ... aveugle. L'ironie de la situation n'échappe à
personne à leur rencontre, pourtant, celle-ci s'efface vite devant la philosophie que le vieil homme inculque à son élève et sa sagesse. Il lui apprend à observer, à étudier, et à retranscrire
... la vie tout simplement. Mais ça bien au-delà de ça. Il est clair dès le départ que c'est dans une quête que s'engage le jeune Yuko, ce qui va compter, c'est son voyage, pas sa destination,
c'est ce qui va le changer, le modeler, plus que ce qu'il va devenir. Pourtant, la vie et l'absolu nous semblent presque indissociables ici, quand la jeunesse et la vieillesse se retrouvent
autour d'une même passion et se découvrent, cela créer des étincelles. Elles sont fugaces, trop peu exposées pour que l'on puisse en partager les émotions, là encore, c'est dit, ou sous-entendu,
mais pas rendu ...
Et le pire dans tout ça, c'est que c'est un roman qui nous parle d'amour ! La poésie et l'amour, deux notions indissociables qui sont souvent intrinsèquement
liées. Il ne peut y avoir de poésie sans amour et l'inverse est vrai aussi. Et là, c'est la débâcle ... pour moi en tout cas. J'ai trouvé le traitement de l'amour, futile, indigeste, pas réaliste
du tout. Je ne sais pas, limite, c'était trop rapide, trop extrême, pour que j'adhère au concept. Cette histoire d'amour inconditionnel pour une femme enterrée sous la glace dans la montagne ...
j'ai eu beaucoup de mal à l'avaler. Après, je comprends le concept, là aussi, on parle d'absolu, je conçois. Mais, j'avoue que ça m'a paru, dans le cas de Yuko j'entends, plus tenir de la folie
douce que d'autre chose, ça ne m'a pas convaincue du tout. Pour ce qui est de Sôseki, c'est une autre histoire, là, c'est devenu touchant, romanesque, pur, nettement plus approprié j'ai trouvé.
Mais, dans l'ensemble, j'estime que cette notion d'amour est bâclée dans son traitement. On aurait du en ressentir l'exaltation, la passion, le feu, et c'est malgré tout comme si tout cela avait
été gelé. De la neige, là encore, froide, placide. On évoque l'amour, on en parle, il s'esquisse de lui-même en plusieurs endroits du texte, mais il ne vous atteint pas en plein cœur comme il
devrait le faire, on reste de marbre, on ne fond pas comme neige au soleil, on ne s'ébahit pas devant ce jeune homme qui tombe amoureux ... La seule étincelle a été pour Sôseki, quand il a
retrouvé l'amour de sa vie, là, c'était plausible, là, il y avait matière à faire ressentir au lecteur quelque chose, ça a été un peu expédié à mon avis, j'aurais voulu plus, tellement plus
...
Ce bouquin me fait ressentir un manque énorme, comme s'il m'avait fait miroiter tout au long de la lecture une vérité absolue et qu'il avait refusé de me la
livrer. Oui, c'est un livre qui veut nous faire réfléchir, c'est évident, c'est souvent le cas de ce genre d'ouvrage, c'est un roman qui veut nous apprendre à justement apprendre par nous-mêmes,
à nous aussi emprunter le chemin de cette quête initiatique qui nous permettra de trouver notre voie et de nous trouver, nous-mêmes, au passage. Oui, c'est un roman philosophique à n'en pas
douter, qui ne dit pas tout mais laisse entrevoir en permanence ce qu'il y a à y entendre. Tout n'est pas pré-mâché, il faut y aller à tâtons, explorer de nouvelles pistes, savoir contempler à
notre tour pour mieux décoder le langage, des mots, du temps, de la nature et des sentiments. J'aime beaucoup ce concept qui laisse tant de libertés au lecteur et qui lui permet de se créer son
propre schéma de raisonnement. Mais, je trouve qu'il ne s'agit pas là d'une excuse pour l'avarice dont fait preuve ce texte, si simple ... trop simple. Je n'ai pas été emballée par l'histoire, ni
par les personnages, je n'ai pas aimé la fin, de nombreux passages m'ont paru ... inutiles. Je trouve que l'idée originale du texte n'a pas été assez mise en valeur par le style de l'auteur, trop
fade à mon goût. Il manque ce petit quelque chose qui en aurait fait un roman exceptionnel, il manque l'émotion. C'est plat, sans intérêt évident au premier abord, on s'ennuie ferme à la lecture
(heureusement que c'est court !). Une fois le livre refermé, j'ai eu l'impression qu'un souffle d'air venait de passer pour repartir aussitôt. Lu et oublié aussi vite. Ce livre ne m'a pas
marquée, il ne me laissera pas un souvenir impérissable ...
Pour conclure, voilà un livre dont j'attendais beaucoup parce qu'on me l'avait présenté comme un coup de cœur quasi "obligé" ... je dois dire que je suis
loin, mais alors très loin, de ce ressenti. J'ai traversé ce roman qui n'a pas su m'accrocher. Je regrette que la neige n'ait pas su m'envahir de sa poésie, elle y arrive pourtant très bien en
hiver ! Je ne sais pas ... lisez-le, peut-être qu'il arrivera à vous convaincre plus que moi ...
Nombre de pages : 98 pages
Temps de lecture : 35 minutes
Prix : 4.70 €