La Comtesse de SEGUR "Les malheurs de Sophie"
Pauvre petite Sophie ! Elle a pourtant tout pour être heureuse : une maman qui prend un soin tout particulier de son éducation, un papa qui l'adore, un cousin qui la défend toujours, une bonne qui est aux petits soins pour elle, un château magnifique...
Oui, mais voilà... Sophie est loin d'être la petite fille modèle que l'on attend, au contraire de ses amies Camille et Madeleine. Elle n'en fait qu'à sa tête et il s'y passe souvent de drôles de choses, au grand désespoir de tous. Elle coupe en morceaux les petits poissons de sa mère, manque de se brûler en pataugeant dans la chaux vive, fait souffrir le martyr à sa poupée de cire ou décide de se couper les sourcils pour devenir plus belle ! Bref, Sophie accumule les bêtises et fait preuve de bien vilains défauts, comme la gourmandise, la paresse ou encore le mensonge. Sa mère, inflexible et désireuse d'inculquer à sa fille les bases essentielles d'une bonne éducation, ne l'entend pas de cette oreille. Elle ne laissera rien passer et la pauvre Sophie devra maintes fois assumer les conséquences de ses actes en tentant d'en tirer une leçon, ce qui n'est pas souvent facile !



Quel bonheur de replonger en enfance pour quelques heures avec ce roman ! Je n'avais jamais lu encore la Comtesse de Ségur mais j'avais hâte de découvrir à
nouveau cet univers que j'avais connu étant petite via les dessins animés. J'avais un souvenir particulier d'une Sophie friponne, agaçante, à laquelle on pardonnait tout et je dois dire que j'ai
été surprise de retrouver le même personnage dans l'original. J'ai passé un agréable moment de lecture même si quelques petites choses m'ont chagrinée. Dans l'ensemble, c'est un lire à livre avec
ses enfants je pense ...
Tout d'abord, j'ai aimé la présentation du livre sous forme de courts chapitres, de saynètes, qui m'ont beaucoup fait penser aux fables de La Fontaine
quelque part. Un court récit durant lequel se perpétue une bêtise, la découverte puis la leçon de morale qui vient clore la petite histoire. Chaque chapitre correspond à une nouvelle lubie de
Sophie et on la voit commettre bêtise sur bêtise sans jamais se faire punir. Bon alors là, j'avoue, je ne suis pas vraiment d'accord avec la méthode d'éducation de sa mère, mais comme on dit
autre temps, autres moeurs. N'empêche que la petite Sophie aurait mérité quelques claques, vous n'êtes pas d'accord ? Ça m'a sidérée quand même qu'elle répète continuellement les mêmes erreurs.
C'est une enfant, c'est normal, mais j'ai ressenti un petit malaise lors de ma lecture à voir que le mensonge, la torture des animaux et des poupées de cire ou encore la violence n'étaient pas
punis. Ça donne une mauvaise image de la notion de justice et d'équité aux enfants qui lisent ça. En gros, ça leur faisait penser qu'on peut toujours s'en sortir malgré tout ce qu'on fait, faute
avouée, faute pardonnée. Ouais, je ne suis pas partisane de ce genre de choses. La mère de Sophie pense qu'elle se punit assez elle-même car à chaque nouvelle bêtise elle perd quelque chose qui
lui était précieux et s'en trouve triste, elle lui fait promettre de ne pas recommencer mais cette dernière ne tient jamais parole ... C'est un éternel recommencement qui nous rappelle bien aussi
ce qu'est être un enfant.
Il n'est pas évident d'inculquer des notions de morale aux plus jeunes, ce roman s'y essaie sans vraiment y parvenir. Bien sûr, on comprend parfaitement en
suivant les pérégrinations de Sophie que ce qu'elle fait est mal. On nous la présente comme une petite fille frivole, intrépide, qui n'en fait qu'à sa tête, hum, pas de quoi nous la rendre
attachante. En plus, elle ment comme un arracheur de dents, ce qui n'arrange rien à l'affaire. J'ai eu du mal à m'attacher à ce personnage qui m'horripilait plus qu'autre chose et je dois dire
que ce qui l'a sauvée à mes yeux c'est son repentir. Même s'il est éphémère, il paraît sincère sur le coup, du coup, il est plus facile de lui pardonner. Ce que je n'ai pas apprécié par contre,
c'est qu'il ne venait pas toujours de façon spontanée ... L'image de Sophie reste mitigée dans mon esprit, certes c'est une enfant, ce qui explique beaucoup de ses actions et qui tend le lecteur
vers la miséricorde à son égard, mais d'un autre côté, elle est égoïste, méchante, barbare même ... Je ne sais pas si cette insouciance qui est la sienne et qui l'amène à causer tant de dégâts
est vraiment un modèle à mettre en avant dans un roman. Mais j'y ai réfléchi, beaucoup, j'en ai parlé avec mes parents qui m'ont gentiment rappelé que, moi aussi, j'avais su être une petite peste
en mon temps, du coup, je me suis dit qu'après tout, Sophie était un personnage très réaliste. Elle ne se rend pas vraiment compte que ce qu'elle fait est mal avant qu'il ne soit trop tard ... La
leçon à en tirer ? Je vous laisse y réfléchir !
Le personnage que je préfère dans ce roman, même s'il m'exaspère lui aussi par moments mais pour d'autres raisons, c'est Paul, le cousin de Sophie. Ah, déjà
quand je regardais le dessin animé à l'époque, j'adorais Paul ! Le gentil cousin qui remettait Sophie à sa place quand elle n'était pas gentille, le seul qui ose lui tenir tête quand ses parents
lâchaient l'affaire. Je l'ai retrouvé ici dans toute sa splendeur, j'étais ravie. Le personnage de Paul représente l'obéissance, la maturité et la sagesse (il a deux ans de plus que Sophie), mais
en même temps, il garde son côté enfantin (il accompagne toujours Sophie dans ses péripéties). J'aime beaucoup ce petit garçon qui veut toujours essayer de faire plaisir à sa cousine, qui fait
tout - jusqu'à se blesser lui-même - pour éviter qu'elle ne soit punie, qui la console quand elle est triste, c'est un vrai petit prince. D'ailleurs, il n'hésite pas à un moment donné dans le
livre à affronter des loups pour la protéger, c'est-y pas mignon ça ? En même temps, il n'hésite pas à la remettre à sa place quand elle l'agace, ça, c'est bien ! Il est parfait ce petit ... mais
justement peut-être ça aussi qui me dérange. Le contraste entre Paul et Sophie est trop évident, trop marqué, elle est la mauvaise petite fille, il est le gentil petit garçon. Heureusement, par
moments, on voit bien qu'ils tendent tous les deux à se retrouver à mi-chemin, ça rassure un peu. Ils se complètent en tout cas très bien ces deux-là, j'ai souvent eu l'impression que Paul
tempérait un petit peu Sophie, qu'il redorait son image aux yeux du lecteur, il nous rappelle qu'elle peut-être gentille elle aussi, qu'il ne faut pas trop longtemps lui en vouloir et qu'elle est
digne d'affection. Sans Paul, Sophie serait juste détestable à mon avis, c'est parce qu'il est auprès d'elle qu'elle devient supportable. Enfin, c'est mon avis ...
Pour ce qui est du roman en lui-même, j'ai bien apprécié l'enchaînement des petites histoires qui se fait d'ailleurs dans un ordre chronologique. On peut les
lire une par une ou toutes à la suite, rien n'est imposé. Le schéma comme je le disais plus haut est toujours le même mais le lecteur se demande à chaque fois quelle nouvelle lubie Sophie va bien
pouvoir inventer. On sait à l'avance qu'on va être choqué, horrifié, qu'on va avoir peur ou qu'on va bien rire. Mais une chose est sûre, Sophie ne laisse jamais son lecteur indifférent. On se
prend facilement au jeu de ses bêtises, on les observe en se disant souvent "c'est pas possible", "elle n'osera pas", et puis, même si on sait que ça va mal se finir, il nous reste toujours la
surprise de la chute. Le lecteur se laisse facilement entraîné dans cet univers nostalgique pour l'adulte qui sommeille en lui et qui lui rappelle ses propres facéties enfantines. Dans
l'ensemble, j'ai trouvé tout ça très réaliste, bien écrit, je ne me suis pas ennuyée lors de ma lecture car j'avais toujours hâte de découvrir ce que Sophie nous réservait dans le chapitre
d'après. Maintenant, je n'ai pas trouvé ça exceptionnel non plus et les mauvais traitements infligés aux animaux m'ont affligé. On a le sentiment que, les sentiments justement, sont parfois
occultés quand ils ne proviennent pas de Sophie. C'est quand même très auto-centré, vous me direz c'est normal, c'est elle l'héroïne du roman, mais j'ai trouvé que du coup, on oubliait un peu de
développer d'autres points qui auraient pu être intéressant. Comme par exemple que le fait de torturer un animal et une poupée en cire ne devrait pas susciter la même réaction. Mais bon là, c'est
l'amoureuse des animaux qui parle alors, je ne suis pas objective du tout ^^
Pour conclure, je dirais que j'ai apprécié ma lecture, c'était rafraîchissant de me replonger quelques instants dans l'enfance chaotique de cette chère
Sophie que j'ai eu plaisir à re-découvrir. Je suis toujours autant "amoureuse" de Paul que quand j'étais petite et j'ai toujours autant envie de baffer Sophie, les années passent mais rien ne
change. Une chose est sûre, si vous ne l'avez jamais lu, je vous conseille de le faire, il vous agacera, il vous énervera, il vous fera rire, mais, une chose est sûre, ce roman ne vous laissera
pas de marbre.
Nombre de pages : 220
Temps de lecture : 1h50
Prix : 5.70 €
Ce livre a été lu dans le cadre du challenge LDPA. Vous pouvez lire la chronique de ma binôme petit_speculoos sur "Terrienne" de J.C. Mourlevat, juste ici. Merci à elle pour avoir partagé ce challenge avec moi !